Contentieux des affaires et des relations du travail

Cette lettre d’information a pour objet d’informer sur des sujets qui sont importants mais qui faute de temps ne peuvent être suivis et encore moins interprétés par ceux qu’ils concernent, juristes d’entreprise ou confrères avocats sans appartenance à un réseau international couvrant l’Asie Pacifique et l’Asie du Sud.

Deux thèmes seront prioritaires : le contentieux des affaires et le contentieux des relations du travail. Ce dernier est fréquemment négligé par manque d’information aisément accessible, or il fait partie de l’environnement juridique en Asie Pacifique et Asie du Sud, tant du point de vue de l’employeur que de celui de l’employé.
C’est cette lacune que cette lettre d’information et celles à venir espèrent combler.

 

Joint-Venture en Chine

Lettre d'information N°1 - Mai / Juin 2019

Contentieux des affaires

Arbitrage / Inde / Malaisie

  • Arrêt de la Delhi High Court du 10 mai 2019 – Dwarika Projects Ltd. v Superintending Engineer

La High Court de New Delhi a posé des critères pour la détermination du siège (seat) lorsque ni la clause d’arbitrage ni le tribunal arbitral ne se prononcent sur ce choix.

Dans cet arrêt, la Cour a recherché l’intention des parties, écartant explicitement leur consentement au déroulement de l’arbitrage d’abord à Chandigarh et ensuite à New Delhi (“Delhi”) où la sentence arbitrale (Award) a été signée, comme critère permettant de déterminer le seat. Pour réaffirmer le principe selon lequel le rattachement “physique” à divers lieux ne vaut pas désignation d’un seat, elle s’est appuyée sur la loi indienne (Arbitration and Conciliation Act 1996) qui autorise un tribunal arbitral à se réunir en d’autres lieux que le seat pour différentes raisons pratiques telles que l’inspection de biens y compris immobiliers, le témoignage de témoins, d’experts ou de représentants des parties elles-mêmes.

Le raisonnement de la Cour l’a conduit à affirmer qu’isoler une partie des éléments de rattachement reviendrait à imposer un seat aux parties contre leur intention, même non exprimée au moment de l’adoption de la clause arbitrale. A l’appui de sa décision, la Cour a cité trois arrêts des tribunaux de la République Indienne, chacun apportant un angle différent et complémentaire à la compréhension de cette règle.

Selon HLL Lifecare la fixation du lieu physique de l’arbitrage (“venue”) par le tribunal arbitral ne vaut pas fixation du seat par celui-ci. Dans Government of India v Enercon (India) Limited où la clause d’arbitrage précisait le lieu physique de l’arbitrage (Londres) mais pas le siège, la Cour a considéré le choix de l’Arbitration and Conciliation Act par les parties pour en déduire que leur choix était l’Inde pour le siège de l’arbitrage.

Quant à Union of India v Hardy Exploration and Production (India) Inc, également un arrêt récent (25 septembre 2018) cette décision de la Cour Suprême indienne mérite d’autant plus l’attention que le choix était entre Kuala Lumpur et les tribunaux indiens généralement. En conformité de l’accord entre les parties, l’arbitrage s’est déroulé à Kuala Lumpur, et la sentence (“Award”) a été rendue et signée à Kuala Lumpur. Confrontée à une contestation de l’Award, la High Court de Delhi s’étant déclarée compétente, mais a été contredite par la Cour Suprême. Relevant que la clause d’arbitrage ne précisait pas le siège, seulement le lieu physique comme premier choix des parties mais laissait à ceux-ci le choix d’une autre venue, la Cour a jugé que la possibilité d’un choix faisait obstacle à ce que le siège puisse en être déduit. Ce qui démontre encore une fois l’importance des “détails” dans la rédaction d’une clause d’arbitrage.

Cours Commerciales Internationales / Chine

  • Procédures devant les Cours de Shenzhen et de Xi’an de mai 2019

Les deux Cours Commerciales Internationales crées par la Cour Suprême de Chine le 29 juin 2018 ont commencé l’examen de deux affaires portées devant elles.

Dans l’affaire Red Bull, le 15 mai 2019 a été l’occasion d’une audience de procédure et l’audience du 27 mai 2019 dans la même affaire devant la Cour de Xi’an (l’une des deux Cours Commerciales Internationales avec celle de Shenzhen) a donné lieu à l’examen de questions liées à la reconnaissance de la qualité d’actionnaire de la société chinoise Red Bull Vitamin Drink Co., Ltd par une entité de Thaïlande et une des BVI.

Pour sa part, la Cour de Shenzhen a examiné au fond le 31 mai 2019 le litige en matière de responsabilité du fait des produits entre la société pharmaceutique italienne Bruschettini Srl et son distributeur chinois Guangdong Bencao Medicine Group Co., Ltd.

Ces deux premières affaires ne concernent pas le “Belt and Road” pour lequel les Cours spécialisées ont en principe été créées mais leur développement sera à examiner des près car elles constitueront une précieuse indication quant au fonctionnement à venir de ces Cours.

Contentieux des relations du travail

Obligation de l'employeur ("duty of care")

  • Rinquet v State of Queensland

Le 6 juin 2019 la District Court du Queensland a examiné la demande en indemnisation de son préjudice formulée par une infirmière bousculée par un patient dans une unité de soins destinée à des patients en situation de perturbation mentale avancée.
Tout en reconnaissant que l’employeur n’avait pas failli à établir des procédures adaptées à cette situation de risque, et n’était pas tenu à organiser la surveillance d’un infirmier par un autre, la Cour a considéré qu’un système préétabli aurait dû permettre l’intervention immédiate d’un collègue et a condamné l’employeur à compenser les préjudices physiques et moraux et à couvrir des frais de traitement médical de l’infirmière pour un montant de 326.000 dollars australiens, équivalent à environ 200.000 €.
La description minutieuse dans l’arrêt des responsabilités découlant du comportement respectif des parties constitue une grille de référence utile pour employeur et employé dans un environnement juridique de common law, qui s’étend jusqu’aux pays et territoires concernés d’Asie du Sud Est (Malaisie, Singapour, Hong Kong) et d’Asie du Sud (Inde).

Harcèlement sexuel ("sexual harassment")

  • Hill v Hughes

Le 24 mai 2019, la Cour Fédérale (Federal Circuit Court of Australia) a rendu un arrêt de principe dans la définition du comportement pouvant être qualifié de harcèlement sexuel.

L’employeur était un avocat (solicitor) en charge d’un petit cabinet installé en zone rurale. L’employée occupait un rôle d’assistant juridique (“paralegal”). L’arrêt analyse dans le détail le comportement de l’employeur et pose pour principe qu’il n’y a pas lieu d’apprécier chacun des éléments, essentiellement des communications par email, de façon isolée mais de le faire globalement.

Il constitue un guide utile de ce qui constitue le harcèlement sexuel dans un contexte d’obstination à suggérer une relation de nature dite “sentimentale” sans action physique même minime.

 

Relations du travail

Caractérisation du lien employeur / employé/ Australie

    • Lien juridique entre Uber et ses chauffeurs 

Le 7 juin 2019, la Fair Work Ombudsman” a rendu sa conclusion après deux années d’enquête sur les rapports entre Uber Australia et ses chauffeurs. De façon assez surprenante, elle a considéré que les relations concernées ne remplissent pas les conditions d’un rapport employeur/employé. Ceci est à analyser car il met en relief les singularités de la caractérisation du lien employeur/employé dans un environnement juridique de common law.

La décision se situe sur la ligne de crête de cette difficile caractérisation, étant en en accord avec la jurisprudence aux Etats-Unis mais non celle de Grande-Bretagne (quoique décision frappée d’appel) et en contradiction avec la position de l’administration fiscale australienne vis-à-vis de l’entreprise de livraison de nourriture à domicile Foodora.

La base de la décision repose sur la constatation selon laquelle Uber ne dispose pas du droit d’exiger une prestation minimum de la part de ses chauffeurs, qui gardent entière liberté de décider s’ils souhaitent travailler, à quel moment et pour quelle durée.

Le concept de “control” est fondamental à appréhender pour les sociétés françaises opérant dans des juridictions de common law, car il est distinct du critère de “lien de subordination” du droit français.

Outre les textes (Fair Work Act 2009…etc.) et une abondante jurisprudence, il est très recommandable d’étudier les critères détaillés fournis par Australian Taxation Office : droit de déléguer ou de sous-contracter, règles de rémunération, propriété des outils et équipements, risque commercial, contrôle et indépendance.

A nouveau, il convient de souligner que des principes dégagés dans une juridiction de common law peuvent être utilisés et sont effectivement utilisés comme référence dans une ou plusieurs autres des celles-ci.

Vous avez apprécié le contenu de cette Newsletter ? Nous serions honorés de vous compter parmi nos lecteurs. La page d’inscription est à votre disposition.

Nous garantissons la confidentialité de vos données. Leur usage sera strictement limité à l’envoi de notre Newsletter. Vous pourrez vous désinscrire à tout moment grâce au lien prévu dans chacune de nos Newsletter.

Pour des précisions en rapport avec les thèmes évoqués ou des sujets connexes, merci de nous consulter via notre page contact.

Le contenu ci-dessus est à but purement informatif en rapport avec une sélection de l’évolution législative, réglementaire et jurisprudentielle dans la zone géographique concernée, qui ne peut être et ne prétend pas être exhaustive.

Il ne constitue pas un avis juridique en rapport avec un cas particulier et ne doit pas être considéré comme tel.Il peut nous être demandé une étude doctrinale plus approfondie en rapport avec l’un quelconque des thèmes évoqués.

Philippe Girard-Foley LL.M. (Penn) est membre du Law Institute de l’état de Victoria (Australie), avocat étranger accrédité auprès de la Cour Commerciale Internationale de Singapour, avocat conseil de la Chambre de Commerce Franco-Malaisienne et instructing solicitor devant les tribunaux malaisiens, membre du Chartered Institute of Arbitrators de Londres, branche de Kuala Lumpur, et seul avocat indépendant ayant un “correspondant organique” reconnu par l’Ordre des Avocats de Paris en Inde (New Delhi).